Projet de loi no. 31 : Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation

Présenté par la ministre responsable de l’Habitation comme visant « à préserver un équilibre entre les propriétaires et les locataires, à répondre à certaines demandes récurrentes et à amoindrir certains effets indésirables induits par le marché locatif actuel », ce projet de loi apporte notamment des modifications en matière de louage résidentiel au Code civil du Québec, à la Loi sur le Tribunal administratif du logement et à la Loi sur la Société d’habitation du Québec.

Voici les principales modifications retenant notre attention :

Code civil du Québec

  • Article 1965 du Code civil du Québec : l’indemnité de loyer de trois mois de loyer due au locataire évincé est nettement augmentée, selon un barème d’un mois de loyer par année de location ininterrompue du locataire, jusqu’à un maximum de 24 mois. Une fois adoptée, une telle disposition pourrait inciter certains propriétaires à intégrer le calcul d’une telle indemnité à même leurs plans de financement pour la construction et la rénovation de leurs logements, en cas d’éviction de leur locataire.

  • Article 1968 du Code civil du Québec : en cas d’éviction ou de reprise de logement, c’est dorénavant au propriétaire de prouver au tribunal, en cas de demande de dommages-intérêts du locataire, que son éviction ou la reprise de son logement a été faite de bonne foi : cette présomption oblige donc le propriétaire à prouver sa bonne foi. Un tel inversement du fardeau de la preuve peut faciliter le recours des locataires et pourrait avoir pour effet d’inciter certains propriétaires à ne plus tenter d’obtenir l’éviction de leurs locataires ou la reprise de leur logement de manière abusive, pour des prétextes infondés ou illégaux.

  • Ajout des articles 1978.1 et 1978.2 au Code civil du Québec : dorénavant, un propriétaire pourra refuser un nouveau locataire bénéficiaire d’une cession de bail du logement, en mettant également fin au bail à la date prévue pour cette cession. Bien que le propriétaire doive motiver un tel refus, il n’aura plus l’obligation d’invoquer un préjudice sérieux pour ce faire. Il conserve donc la faculté de choisir son prochain locataire et utilement, le contrôle sur son bien immobilier et la possibilité d’augmenter le loyer. Il s’agit de la modification la plus commentée par les médias et par les associations et groupes de protection des droits des propriétaires, fortement décriée par les groupes de protection des droits des locataires.

    Quant aux coopératives d’habitation, nous croyons qu’un tel refus d’une cession de bail est conforme aux décisions du Tribunal administratif du logement ayant confirmé cette possibilité de refus lorsqu’une coopérative se voit imposer un locataire sans l’avoir sélectionné à titre de membre. Le refus d’une coopérative d’habitation dans cette éventualité de cession de bail, qui demeure moins fréquente que les demandes de sous-location de logements à des locataires non-membres de la coopérative, s’en verra facilité et probablement déjudiciarisé.

Tribunal administratif du logement

Quant au Tribunal administratif du logement, les modifications suivantes réaffirment son statut de tribunal d’accès :

  • Le champ de compétence du tribunal est élargi pour y inclure, sur demande d’une partie, les ordonnances rendues en cas d’inexécution du locataire ou du locateur, ou lorsque le locateur n’effectue pas les travaux ou les améliorations qu’il doit faire dans le logement et ce, même si la valeur monétaire de telles ordonnances dépasse le seuil de compétence de la Cour du Québec (fixé à 85 000 $);

  • Dorénavant, toute personne, physique et morale, pourra être représentée devant le Tribunal administratif du logement par la personne de son choix, et non plus par son conjoint ou un avocat, ou dans le cas d’une compagnie, d’un OBNL ou d’une coopérative d’habitation, par un administrateur. Bien qu’un mandat écrit soit encore nécessaire, celui-ci n’aura plus à indiquer les causes qui empêchent la partie de se représenter elle-même et pourra même être donné à titre payant. Avec un tel assouplissement des règles de représentation, l’accès à la justice en matière de louage résidentiel se trouve plus prononcé que lors de la dernière réforme des règles de procédure du Tribunal administratif du logement en 2020.

Enfin, l’action et l’offre de services de la Société d’habitation du Québec en matière de réalisation de projets d’habitation abordable est élargie : la SHQ pourra dorénavant agir directement auprès des organismes afin de se donner plus de moyens pour s’autofinancer. Également, sa faculté d’administration provisoire des organismes d’habitation (coopérative d’habitation, de solidarité, OBNL), lors d’une mise sous tutelle, est étendue à une période initiale de 12 mois, pouvant être prolongée de 6 mois.

Le projet de loi no. 31 peut être consulté ici. La session parlementaire étant terminée, le projet de loi sera étudié à l'Assemblée nationale du Québec l'automne prochain.

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Gilles G. Krief